Il s'agit du dernier épisode d'une série de 3, qui constitue l'ensemble de la rencontre publiée dans les CAHIERS N°4 (voir ICI)
Laurent Tripied, CEO de la start up bziiit, nous raconte, dans ce dernier épisode, sa vision du monde de l'évènement. Elle ne vient pas de quelque vue de l'esprit, mais de la création depuis des mois d'un grand patrimoine de datas (sans doute unique) sur l'évènementiel, et des pas franchis avec chaque expérience. Le monde de l'Evènement démarre (pas plus !) sa transformation digitale. Les professionnels ne pensent pas avec un train de retard, ils en savent tant, mais ils ne mettent pas tout ce qu'ils savent en pratique. Il faut en quelque sorte savoir, avec les datas et l'IA, RETOURNER AUX EVENEMENTS comme outil CONCRET et efficace, notamment pour les territoires. Et l'un des grands leviers à venir est d'intégrer fortement les visiteurs dans le design de l'évènement.
Les Cahiers. - Si bziiit se tourne vers l’évènement, c’est que bziiit y voit un potentiel. Quelle vision as-tu de ce monde événementiel, en termes de vitalité, en termes de capacité à accepter l’innovation ? Tu y vas là, tu te concentres dessus, qu’en penses-tu ?
Actuellement on fait entre trois et quatre événements par mois. Dans la data et l’IA, la courbe d’expérience est un point clef donc notre plateforme progresse très très vite.
Bziiit est peut-être la boîte qui a le plus de datas sur le monde événementiel ?
Vu le nombre d’événements que l’on monitore dans le monde, vu le nombre d’événement où l’on déploie notre plateforme sur site, on revendique en effet un des patrimoines data événementiel le plus fourni du marché. Et à chaque événement on améliore, on invente de nouveaux dispositifs pour avoir une captation plus fine.
Tu écoutes ce monde de l’évènement. Qu’apprends-tu apprends sur lui ?
J’apprends qu’il est en train de démarrer sa transformation digitale, il démarre et il va y avoir des gens qui vont faire des cartons et d’autres qui vont disparaître comme dans tous les autres secteurs qui ont vécu leur transformation digitale.
Ceux qui disparaissent, c’est qui ?
Ce sont ceux qui n’intègrent pas la transformation digitale. Ce n’est pas faire du digital pour du digital. Ce sont ceux qui, dans leur façon de penser l’événement, n’intègrent pas la data pour reconfigurer l’événement pour être en phase avec leur public. Nous, on est là pour aider l’événement à s’organiser, on travaille pour des gens qui en organisent et pour des gens qui exposent. Plus ça va, plus on avance sur le sujet, parce plus on écoute plus on en voit. On monitore aujourd’hui 200 évènements en temps réel. Donc tous les matins, je me lève à 6 heures, je me connecte à la plateforme et je regarde ce qui se passe et je vois des trucs qui montent, d’autres qui font « flat ».
Ceux qui vont réussir, qu’est-ce qu’ils font de particulier, ce n’est pas seulement l’écoute…
Bien sûr, l’écoute n’est qu’un moyen d’avoir de l’information. Tout cela va se traduire sur la façon de préparer l’évènement et de le faire. Pour nous le leader français, au niveau exposant sur salons BtoB, celui qui est le plus fort, c’est Le Groupe La Poste. Quand tu t’intéresses un peu à comment ils font, sur les salons professionnels comme le CES de Las Vegas, VIVATECH, ils sont parmi les meilleurs pour l’instant. On a pu les rencontrer, on leur a dit qu’on aimerait bosser pour eux car nous allons nous rencontrer fréquemment et qu’ensemble on pourrait réaliser de très beaux projets et même innover.
Aujourd’hui, on apprend encore beaucoup de la profession de l’évènement, elle a l’expertise métier, l’expérience du réel de l’événement avec tout ce qu’il a d’imprévisible, elle est structurée : par contre on observe un écart entre, d’un côté, tout ce qu’elle sait et tout ce qu’elle pourrait inventer et, de l’autre, ce qui est fait lors des évènements. C’est bien sur facile d’être observateur critique quand on arrive sur un marché et que l’on a beaucoup de data, je reconnais. Alors on commence à proposer à nos clients de nous embarquer au plus tôt de leurs événements.
Je prends l’exemple basique du marquage au sol, de la manière dont il est utilisé dans le design d’un stand ou de l’espace d’un événement. Souvent il n’est pas utilisé ou mal utilisé.
Très souvent les designers d’espaces et standistes font appel à nous pour voir le parcours physique. On utilise notre module SEE, voir. On a eu une expérience récente très pratico-pratique, sur un grand stand à 260 m², avec une vraie problématique de direction des flux. La marque lance une nouvelle offre qu’ils veulent faire goûter au public. Le client veut donc éduquer son visitorat sur un nouveau produit. Quelle est la résolution technique mise en œuvre sur ce salon ? Le client veut savoir combien il y a de gens dans tel et tel endroit de son stand.
Le client nous appelle en général après avoir déjà choisi son design de stand. Nous, on invite vraiment le client à nous interroger plus tôt, à l’origine du projet.
Conclusion : les visiteurs n’ont pas toujours suivi le parcours théorique imaginé lors de la conception du stand. Donc nous, qu’est-ce qu’on fait avec la plateforme, après l’expérience. On s’arrête, on regarde, avec des spécialistes et des non-spécialistes et on explique à la plateforme ce qui fait que le parcours a été comme ça.
Donc quant à l’avenir de la profession, compte tenue de la révolution digitale en cours, on rentre logiquement en phase de mutation. J’entends sans cesse que les budgets événementiels commencent à être discutés à la baisse. Avant, on investissait des sommes considérables avec des concepts parfois très classiques pour attirer le monde, mais maintenant, quand tu discutes avec les professionnels, on entend régulièrement que les budgets doivent être justifiés et surtout connaître les résultats obtenus. C’est la fameuse question du ROI. Tu as des gens très pointus, une profession organisée, l’UNIMEV qui organise des groupes de travail, lance et anime des labs. On va d’ailleurs commencer à intégrer certains groupes pour apporter notre contribution « startup » et ainsi participer à cette dynamique.
Aujourd’hui, on apprend encore beaucoup de la profession de l’évènement, elle a l’expertise métier, et elle a compris beaucoup de choses, par contre on observe un écart entre, d’un côté, tout ce qu’elle sait et tout ce qu’elle pourrait inventer et, de l’autre, ce qui est fait lors des événements.
Est-ce que ce sont eux qui vont faire l’avenir de la profession ?
Certains, oui, vont y contribuer. Si je reste sur les expériences récentes, notamment sur le festival de BD d’Angoulême, on a vu des marques qui ont réalisé de très belles expériences efficaces pour avoir du flux et l’animer. Donc, pour nous, il y a ceux qui vont être centrés sur le ROI de l’évènement – et il ne s’agit pas seulement de rentabilité financière, il s’agit d’être au clair sur les objectifs de l’événement, de le concevoir et de l’animer pour atteindre voire dépasser les objectifs fixés. Ceux-là vont vivre de belles aventures.
Tu as beaucoup réfléchi sur les événements, sur la notion de grands événements ? Tu n’es pas seulement une start up qui rentre sur l’évènement, mais tu réfléchis dessus. Tu as des propositions à faire.
Oui, notamment aux villes et métropoles que nous allons rencontrer au MIPIM. C’est pour cela que pour une conférence prochaine, j’ai proposé que l’on aborde la question sur le thème « l’événement, un formidable outil de transformation d’une ville, de réalisation d’un projet d’une ville ».
L’évènement est un outil très efficace pour réaliser une ambition d’un territoire, parce qu’il oblige à passer au concret
Tu passes du statut de l’acteur qui rentre sur un marché qu’il découvre, avec ses solutions, à celui d’un acteur qui réfléchit sur la transformation et le rôle des événements physiques, pour les villes en l’occurrence.
J’imagine que cela a été le cas pour beaucoup de confrères de la profession qui sont, eux aussi, un jour « rentrés » sur ce marché. C’est également une motivation personnelle. Je travaille en BtoB depuis 25 ans. Ma vie a été de rencontrer des porteurs de projets, des gens qui avaient des idées, des produits, des solutions à proposer aux marchés ou à développer. Ce n’est donc pas nouveau. Et mon rôle a toujours été de voir comment le digital pouvait les aider. Le fait d’être entré dans l’événementiel m’a fait prendre conscience que l’évènement est un outil très efficace pour réaliser une ambition d’un territoire, parce qu’il oblige à passer au concret.
Ce lien-là événement-territoire, les professionnels le connaissent déjà. Ce qui est intéressant, c’est que toi tu y viens et que tu vas y apporter un regard particulier. Qu’apportes-tu, toi ? En quoi tu peux amener le politique à dire, là maintenant j’ai compris, il faut que je le fasse.
Aujourd’hui, bziiit voit, monitore, participe à beaucoup d’événements sur des thèmes majeurs pour l’évolution de notre société. Par exemple la mobilité, l’intelligence artificielle, les seniors, le développement durable, l’inclusion sociale …, je vois énormément de gens pertinents, des experts et je suis souvent surpris entre la qualité des contenus proposés et la diversité des populations présentes lors de l’événement. Il me semble que l’on a là un sujet central pour l’avenir de la profession : comment renouveler les événements pour qu’ils attirent et réunissent des nouvelles cibles de visiteurs ?
Aujourd’hui bziiit est connu pour travailler principalement avec les exposants, de plus en plus pour des organisateurs, mais l’élément-clef sur lequel on réfléchit, c’est le visiteur.
Il y a dans la relation organisateur-exposants-visiteurs des vrais potentiels de révolution à inventer et expérimenter. On est encore loin du visiteur, du consommateur par rapport à tout ce que le digital pourrait apporter et ce qui est mis en œuvre. Pour avancer rapidement, il y a une vraie piste à intégrer le visiteur dès le design de l’événement. La data disponible peut déjà apporter beaucoup d’idées, il reste à imaginer de nouvelles façons de dialoguer avec lui.
Il y a une vraie piste à intégrer le visiteur dès le design de l’événement.
Et là, bziiit peut aider ?
Le curseur va dépendre du degré d’ouverture de l’organisateur. Est-ce qu’il va aller jusqu’au bout de l’idée et, avant de valider son concept, le tester sur le marché et l’adapter selon les feedbacks du visitorat cible ? On y viendra, les événements s’adapteront de plus aux feedbacks des communautés de gens qui s’y intéressent et surtout des nouvelles cibles que l’on aimerait attirer.
Est-ce que bziiit est capable, finalement, en écoutant la sphère digitale, et notamment les visiteurs potentiels, de dire quels sont les grands événements possibles sur un territoire donné ? Les deux ou trois pistes de grands événements ?
Bien sûr, on le fera, on a besoin de le coconstruire avec un grand opérateur territorial, mais c’est une vraie détermination pour amener bziiit à devenir un acteur majeur de la DATA événementielle. J’invite les grands organisateurs d’événements à nous contacter (sourires). On part du principe que la data va ouvrir une perception qu’on n’a pas, ça on le fait aujourd’hui régulièrement, on sait faire. Ce qu’il faut qu’on améliore, c’est la façon de restituer la data et de permettre aux gens de naviguer dedans et de jouer avec la donnée, de l’enrichir de ses propres données, de ses perceptions.
A partir d’un nouvel interfaçage avec le client, on pourra déterminer les événements à créer.
Bien sûr.
Et on pourra déterminer les acteurs de cet événement ?
Bien sûr.
La vraie conviction que j’ai de plus en plus, c’est qu’une restitution de datas ne peut pas être à hyper valeur ajoutée si le client ne contextualise pas la donnée, ne dit pas à la donnée : ça, ça ne m’intéresse pas, ça il faudrait détailler en fonction de ça et ça ; attention, tu n’as pas vu ça ; attention, il y a aussi ça…
Avec les mécaniques de captation et de qualification de données, même si celles-là s’enrichissent, il y a beaucoup de valeur à créer en créant des dispositifs simples pour que les utilisateurs enrichissent les données. Prenons un organisme qui réfléchit sur quels événements créer : on va lancer les captations, on va récupérer de la datas et on va leur projeter. Là, le client va dire « oui pour nous il y a un lien avec ça, puis il y a un lien avec ça, idéalement on aimerait que tel visiteur arrive et lui, pour des raison X ou Y, on aimerait qu’il soit là. » Il va enrichir la data collectée de nouvelles variables : les siennes. Ça se coconstruit une data, c’est capital, ça ne s’externalise pas comme ça.
Cela devient un laboratoire ?
Oui.
Pour un client ou un coproducteur d’un territoire, d’une entreprise ou autre… pour créer des événements.
Clairementn
ENSEMBLE DE LA RENCONTRE DANS LES CAHIERS N°4