Cet article est la conclusion d’une étude réalisée par NUNDINOTOPIA sur une constellation de rapports publiés au sein de la filière en France entre 2005 et 2010, dont ceux des auteurs CHARIE, PLASAIT et MARGOT-DUCLOT. Il renvoie à la fin aux éléments plus complets du travail mené.
Dans le grenier de la belle maison des Foires, Salons et Congrès, est encore posée une grande malle pleine de trésors et d’idées. Derrière ses parois solides et fermes, six rapports produits en France entre 2005 et 2010 avaient encore bien des choses à nous dire sur la filière française des FSC, mais aussi pour toute l’activité fiéristique et congressuelle d’aujourd’hui. Ces six rapports ont bien un ordre et leur parenté est bien dite par leurs rédacteurs : le rapport Margot-Duclot en 2005 à la Région Ile de France, puis le rapport-clef du Député Charié en 2006 à l’Assemblée nationale, le rapport Plasait en 2007 au Conseil économique et social et trois rapports orientés plus clairement vers des plans d’actions : le rapport d’étape du Comité National de Pilotage des FSC (qui n’existe plus aujourd’hui) en 2007, le compte rendu des 1ères Assises de la profession en 2008 et la contribution, rédigé par Margot-Duclot, de l’Agence Régionale de Développement à la politique d’Ile-de-France. Ces rapports sont si récents qu’ils ne devraient pas se retrouvés nichés au grenier, mais au moins dans les rangs d’une bibliothèque de travail. Le monde des FSC ne manque pas d’idées, mais de la mise en séries de ces idées. Or ces rapports furent des occasions très construites d’énoncer et de formaliser les bases d’une réflexion globale dans la filière, visible de tous.
Une filière qui peut sortir d’elle-même : éthique et stratégie
Au-delà du triptyque TERRITOIRE-GOUVERNANCE-FILIERE, les trois axes DEHORS/SENS ET VALEUR/JEUX DES TERRITOIRES interrogent sur les choix qu’il faut faire pour configurer la filière des FSC en France. Se limiter au premier triptyque peut-il simplement donner le souffle tant appelé ? Les trois axes forment une manière de penser l’activité FSC par ses sorties possibles : par sa transversalité vers le monde et ses enjeux, comme production de sens et création de valeur tenues par les échanges, par le rôle de la psychologie et la justice dans la reconnaissance des acteurs, et toujours dehors entre les territoires et ce qui les met en relation les uns avec les autres. Peut-être faut-il imaginer la stratégie des FSC comme une bataille, une bataille sans violence sûrement, mais une bataille jamais achevée entre des centres d’intérêt et des rapports variables entre ces centres. Cela signifierait que les FSC ont besoin, pour remplir leurs missions pour les marchés, les filières, les territoires, les populations, de ce qu’ils sont eux -mêmes, des plans d’échanges et de rencontres, concentration éphémères (mais répétées), horizontales, multiples. L’exercice de la filière pour exister est de se penser en foire ?
Nous pouvons encore pousser un peu plus loin le propos. S'intéresser d'abord au monde extérieur et à ses enjeux, s'interroger sur le sens et la valeur de ce qu'on fait, accorder une nouvelle importance à la psychologie, chercher à définir une reconnaissance plus juste du travail de tous les acteurs de la chaîne de création de valeur, lutter contre les inégalités des territoires, qu'est-ce sinon des formes d'expression d'une éthique de la filière ? Le mot n'est jamais employé dans la constellation. Nous ne pouvons le prêter qu’à notre interprétation et notre questionnement. Il ne s’agit pas de moral, mais il s'agit d'une interrogation sur les manières de vivre et de décider de la filière, au-delà de sa logistique et de l'organisation de ses segments de production et avant toute énonciation de lois et principes. Or nous ne sommes pas en terrain étranger, le monde des Foires, Salons et Congrès est un monde de relations entre les hommes et de configuration sociale. Il est champ d’épreuve du rapport à l’autre, de la construction de sens, de la haute évaluation des relations humaines dans le progrès et l’histoire de telle ou telle communauté professionnelle. Il est exercice de vie sociale volontaire et libre. Et cette éthique en mouvement, que nous observons dans les foyers laissés allumés par nos rédacteurs, peut se croiser, merveille de la transversalité des Foires, Salons et Congrès, avec les enjeux du monde économique, de la connaissance, de la culture, du développement des territoires, de l’urbanisation, de l’internationalisation, de la préservation de la planète…La formation de la filière, l’ambition de sa stratégie, la fabrication de ses mécanismes de décision et de mises en action ne peuvent se satisfaire de l’organisation méthodique des moyens et de leurs fonctionnements interdépendants. Elles doivent inclure une dimension autre, directement liée à la propre richesse relationnelle et sociale des FSC, et cela prend la forme de ce que nous appelons ici, peut-être trop pompeusement, une éthique, en tout cas une interrogation décisive sur les écarts à produire pour se retrouver dans le monde, pour s’inquiéter des variations et productions psychologiques, pour défendre des mécanismes compatibles avec la diversité des multiplicités des acteurs, des manifestations, des champs d’activité explorés, des territoires, des populations, …
Que se passe-t-il ? La constellation fut un événement dans la filière, à pas sourds
Cette constellation de rapports avait la force du FAIT. Elle était née, dans le paysage de l’activité des Foires, Salons et Congrès, en France. Apparaissait ainsi une série de travaux, de réflexion, de prospective, de synthèse jamais écrite auparavant. Et cette constellation semble être une originalité française, une manière particulière de s’interroger sur sa filière, et cela de ses bordures, d’abord à l’initiative des pouvoirs publics, d’acteurs engagés certes dans l’activité, mais indirectement. Sans eux, qui auraient énoncés de tels discours ? Nous devons beaucoup à cet effort qui se produisit sur quelques années, 2005-2010.
Le monde des Foires, Salons et Congrès n’est plus enfant, pourtant le geste de synthèse en France est très récent. Mais plus encore, l’élan n’a pas duré, la constellation, si elle brille encore dans le ciel, le fait dans un ciel parallèle, dont la lumière passe en sourdine dans notre actualité. Le tout nouveau contrat de filière de 2016 ne l’évoque pas, alors qu’il marche largement dans ses lumières et que les signataires d’aujourd’hui participèrent souvent aux entretiens des rapports d’hier. Le Comité National des FSC n’a pas fait long feu. En revanche la filière en France n’est pas statique, des investissements ont bien lieu partout en France, bien sûr à Paris, un des leaders mondiaux dans le domaine est français, avec GL events, la France vient de remporter les JO2024 (mais nous ne sommes pas dans les salons) et se positionne dans les finalistes pour l’expo 2025 (mais nous ne sommes pas dans les salons), la fédération de la profession s’est transformée, passant de la Fédération des Foires, Salons et Congrès et Evénements de France, à l’Union des Métiers de l’Evénement, ouvrant ainsi le spectre des acteurs impliqués, multipliant les métiers réunis et les échanges, cherchant clairement à construire une vision stratégique.
La constellation fut bien le signe que quelque chose se passait et se passe dans la filière en France. Tout cela dans une inquiétude qui ne se dit pas, mais qui se lit dans les critiques émises et dans une sensibilité nouvelle à l’existence de la concurrence internationale. La richesse de son propos n’est pas épuisée, elle nous apprend beaucoup, elle construit, par sa synthèse, des schémas utiles d’interprétation des fonctionnements de la filière. Certes, l’analyse sur la France ne s’applique pas aussi simplement aux autres pays. Mais le triptyque TERRITOIRE-GOUVERNANCE-FILIERE construit bien des repères valables ailleurs, à condition de le moduler.
Et l’engagement, la passion qui semblent avoir animé les rédacteurs sont universels. Ils existent chez tous les acteurs des Foires, Salons et Congrès du Monde. Autrement dit, les multiples feux schématisés par les trois axes DEHORS/SENS ET VALEUR/JEUX DES TERRITOIRES tiennent d’une audace qui ne s’arrête pas à nos frontières et peuvent servir à saisir les enjeux des Foires, Salons et Congrès dans le monde. L’inquiétude française est peut-être le versant local, l’expression particulière d’une dynamique mondiale, car il est certain que le monde des Foires, Salons et Congrès vit une nouvelle phase de son existence dans un monde bouleversé, planétaire, effervescent d’une croissance exponentielle d’échanges.
Projection vers la société
La constellation n’a pas tout dit, mais tout semble impossible à dire. Elle dit l’enjeu de l’ouverture, elle indique la clef d’or de l’introduction d’une éthique à construire dans la prospective et la stratégie de la filière. Nous pouvons imaginer que les FSC nous projettent, avec et au-delà de l’économie, dans la société mondiale, ou dans un monde qui réencastre l’économique dans le social. Ils sont à prendre très au sérieux comme outils de configuration des échanges de notre époque, aussi bien que les renversements de la révolution digitale, en contrepoint, en ligne de basse essentielle pour inventer les rythmes du devenir du monde.
L’articulation avec les enjeux de l’économie de la connaissance sont à prendre à la lettre. Si les FSC réembarque l’économie – de la connaissance – dans le social, il réarme alors la connaissance dans la société en tant que telle, et limite son exercice sous les seuls impératifs des marchés. Ils contribuent aussi bien à la production de cette connaissance. Ils ne sont pas les simples transmetteurs de la connaissance, ils participent à sa fabrication. Le rôle des congrès dans le développement scientifique (même s’il est peu étudié) le disait déjà. Mais l’échelle change : ce que c’est que savoir, comprendre, explorer, penser a à voir aujourd’hui avec les Foires, Salons et Congrès, dans une longue chaîne des lieux et temps de savoir qui rend perceptible une parenté avec les laboratoires de recherche les plus sérieux.
Et si nous plions cette question de la connaissance sur l’inquiétude d’une éthique stratégique de la filière, il devient possible d’imaginer les contributions des FSC à la création de transversalité dans le développement des sciences, à l’articulation des sciences avec la société, à la production de mécanismes de régulation et d’équilibre sur les marchés économiques, à la construction de réponses possibles sur la protection des libertés, la résolution de problèmes sociétaux complexes, au développement de dispositifs de confrontation et de critiques.
Grille possible et audacieuse de la filière, bascule vers les enjeux du monde et éthique de la décision, projection vers la société, levier de connaissance et dispositifs critiques, la constellation 2005-2010, même si elle ne clame pas tout cela, et le laisse paraître à ses seuls bords, ou dans l’écume d’une lecture, offre bien des outils pour réinterroger et insister sur le rôle des FSC dans l’économie et la société moderne. Elle prouve aussi que les schémas réflexifs au sein de la filière ne sont pas des simples ajouts spectateurs d’une réalité qui suivrait son propre cours, mais fait partie intégralement de l’évolution de la filière. La filière se pense et doit se penser non pas pour construire une haute stratégie qui descendrait sur terre pour les opérateurs pragmatiques, mais comme geste même de l’action de la filière et de sa performance dans les enjeux économiques et sociaux planétaire.
Nous devons donc bien remercier Messieurs Charié, Plasait et Magot-Duclot, leurs équipes, et la profession qui a animé le Comité National de pilotage et les 1ère Assises de la profession : l’énergie ne manquait pas pour montrer à la fois les frontières et pour les passer.
(Extrait du Livre blanc, partie 4 Captation. Captation 2 : Filière / CONSTELLATION)
Les six rapports de la constellation :
CHARIE Jean-Paul, Foires, salons, congrès : pour que la France rime avec croissance, Rapport d’information de la commission des affaires économiques, Assemblée nationale, février 2006
MARGOT-DUCLOT Jean-Luc, Rapport de mission sur le Tourisme d'Affaires, remis au Président de la Région d'Ile-de-France J.P. Huchon, 2005
PLASAIT Bernard, Le tourisme d’affaires : un atout majeur pour l’économie, Rapport pour le Conseil économique et social, juin 2007.
COMITE NATIONAL DE PILOTAGE DES FOIRES, SALONS ET CONGRES, Rapport d'étape, 4 décembre 2007, par FSCEF (ex-UNIMEV), CCIP, FRANCE CONGRES
PREMIERES ASSISES NATIONALES DE L'INDUSTRIE DES RENCONTRES ET EVENEMENTS PROFESSIONNELS, 28 janvier 2008 à Paris-Nord Villepinte, Une filière mobilisée pour hisser la France au premier rang mondial, par FSCEF (ex-UNIMEV), CCIP, FRANCE CONGRES
MARGOT-DUCLOT Jean-Luc. Contribution de l'Agence Régionale de Développement à la SRDEI de la Région Ile de France, la filière des Rencontres et Evénements Professionnels en Ile-de-France, 2010