Résumé

La pertinence des Foires et Salons repose en grande partie sur leur exposition de l’innovation. L’innovation n’existe pas sans recherche, mais la recherche, elle, n’est que faiblement exposée. Un levier majeur d’innovation dans les Foires et Salons serait d’« exposer la recherche ». Il faudra pour cela convaincre aussi bien les organisateurs que les chercheurs eux-mêmes. Les Foires et Salons offrent une très vaste palette d’opportunités de réseaux pour la Recherche avec les mondes économiques et sociaux. Face à des logiques industrielles ou de société de plus en plus complexes, l’exposition permet d’identifier les meilleures positions pour la Recherche pour entrer en relation avec ses zones cibles de transferts technologiques et pour développer ses propres activités. Les acteurs de la Recherche peuvent y pratiquer des modes d’ouverture dans leur communication qu’ils éprouvent déjà sur d’autres terrains : intégration des publics et de leurs usage, théâtralisation de la science, déplacement vers l’aval des chaînes de valeur industrielle. La Recherche peut se placer en position d’échanges et d’offre : ses propres contenus, ses chercheurs, ses réseaux, ses ancrages territoriaux, la culture scientifique elle-même et ses fonctions dans les régulations de notre société de la Connaissance. L’exposition peut aussi devenir un laboratoire de recherche, un dispositif de recherche, sur les usages, les méthodes, la réception de résultats scientifiques par la société. Un des points de blocage de l’exposition scientifique est la défense de la propriété intellectuelle. Celle-ci doit être au cœur des dispositifs des foires et salons. Cette protection du capital immatériel de la recherche replace aussi le rôle de la Recherche dans le jeu de la compétition mondiale et des mécanismes de rapports de forces. Exposer la Recherche, s’exposer comme Recherche, deviennent outil de soft power. Nous ne sommes pas à n’importe quel moment, mais à celui d’une Société de la Connaissance en devenir dans laquelle les Foires et Salons jouent un rôle crucial à la fois d’expression de cette société et de mécanique de son développement. La Recherche n’a pas  sa place légitime dans cette société si elle n’est pas dans la géographie mondiale et la machinerie des manifestations. Ces dernières ratent leur modernité et leur pertinence à ne pas être lieux majeurs de la culture et de la production scientifique. Imaginons concrètement, à l’instar de l’objectif des 3% de PIB dédiés à la R&D de l’Union Européenne un objectif de 3% des surfaces nettes d’exposition dédiés à la Recherche.

Sommaire

  1. Réseaux et rencontres des publics professionnels et Grand Public
  2. Trouver la place de la recherche dans le complexe des filières
  3. La science OPEN, les modes d’exposition
  4. La recherche sur place
  5. La propriété intellectuelle, soft power et réalité de la compétition mondiale.

Conclusion

L’innovation n’est pas la recherche. Mais l’innovation n’existe pas sans recherche. Une très grande part de l’attractivité des Foires et Salons repose sur l’innovation qui y est exposée, et cela est particulièrement vrai des grands salons internationaux professionnels. Nous allons nous concentrer ici sur les articulations entre la Recherche et les Foires et Salons, en mettant de côté les Congrès, directement liés par nature à la constitution et au développement de la Recherche. La recherche en tant que telle est incomparablement moins présente donc que l’innovation, et encore moins pour elle-même, c’est-à-dire sans lien direct avec l’évocation de ses résultats en matière d’innovation[1]. Cette faible présence n’est pas du seul fait des organisateurs de Foires et Salons. La Recherche elle-même, qui sait communiquer, ne se précipite pas dans les foires et salons.

Est-ce que cela ne serait pas extrêmement innovant que demain la Recherche - les laboratoires de la recherche publique, les grands organismes de recherche, les universités et écoles, outre la R&D déjà intégrée dans les entreprises et industries - ait une place prioritaire dans les Foires et Salons ? Innover dans l’exposition serait alors exposer la recherche (et non pas seulement l’innovation).

Ne serait-il pas aujourd’hui décisif que dans une filière dominée par l’exposition de l’innovation, la recherche, pour une bonne part origine des innovations, entre dans la structuration même de ces manifestations ? Et plus loin encore, ne faudrait-il pas que cette recherche puisse exister pour ses propres enjeux de recherche, et non pas seulement comme moteur, moyen d’innovation, plutôt au plus près des premiers soucis de recherche et d’avancées des chercheurs et de leurs laboratoires ? Mais pour quoi faire ? s’interrogera sans doute une bonne part des organisateurs ET des chercheurs. Une innovation n’est telle que si elle rencontre son public : donner sa place à la Recherche dans les manifestations ne sera une proposition innovante que si elle rencontre son public, c’est-à-dire les organisateurs, les acteurs de la Recherche, leurs interlocuteurs respectifs (qu’ils soient parmi les exposants, filières, territoire, politique, ou les visiteurs, professionnels ou grand public). Il nous faudra aussi dessiner ce que cela peut bien vouloir dire « exposer la recherche », et cela sans se rabattre sur les innovations que cette dernière produit. Il nous faudra aussi nous dire en quoi cela est stratégique et peut produire une vision, une image-clef pour les Foires et Salons, pour la Recherche elle-même et leurs propres missions à tous dans notre Société et Economie de la Connaissance. Que cela signifierait-il que la Recherche prenne maintenant une place remarquable dans les Foires et Salons du monde ?  Cette question prend déjà des couleurs variables si s’ajoutent au terme générique de la Recherche, ceux des pays d’origine, des disciplines particulières, de laboratoire x ou y. La question concerne aussi bien les avancées planétaires de la Connaissance que les compétitions entre les nations, les disciplines scientifiques, les croisements des deux, puis la queue immense de la comète des rapports de forces dans l’économie et la société planétaires.

Mettons, avant de partir, quelques arguments dans notre besace :

  1. Les « choses » exposée dans un salon ne sont pas des objets définitifs, elles appartiennent à un monde en procès. Elles entrent dans un process, celui de leur apparition, et plus profondément celui de leur fabrication, comme si elles avaient été produites sur la manifestation. Ce « comme si » est imaginaire, il est parfois très réel quand l’artisan sur son stand continue à travailler ses œuvres et montre l’acte de création des objets exposés. La manifestation devient une terre d’origine. Un des grands enjeux des salons est de savoir montrer toute la logique et la dynamique de l’Industrie qui l’utilise. Un Salon, un « Trade Show », l’exposition qu’il signifie, la monstration qu’il construit, est une « mise en devenir » du monde qui s’expose. Le process de l’innovation, qui inclut la phase de recherche, a en quelque sorte eu lieu SUR la manifestation. La recherche appartient au geste de création. Mettre en devenir l’innovation implique fondamentalement l’exposition de la recherche.
  2. Raisonnons en « business man » : comment ne pas investir dans la recherche et dans son développement, si elle est à la base des atouts des salons que j’organise ? Cela dépend certes avant tout de la stratégie de chaque industrie, mais l’organisateur de manifestation, à un moment où les salons sont de plus en plus des mécanismes de configuration des filières, de régulation de leurs mécanismes, de défragmentation d’une communauté, ne doit-il pas jouer sa part dans l’effort de valorisation de la recherche, en particulier dans un monde extrêmement compétitif, pour se conserver et se développer, plus largement pour accomplir ses missions – rentables, s’il faut le dire - auprès des filières ou champs d’activité servis ?
  3. Continuons à être sous l’influence du pragmatisme des affaires : les chercheurs, leurs laboratoires, les associations et organismes de recherche sont bien des cibles de développement commercial (les congrès), des intermédiaires vers des mondes cibles économiques ou politiques sur chaque territoire. Ce ne sont pas seulement des producteurs d’un monde éthéré et abscons bien loin de mes terres concrètes et mouvementées de business et de retour sur investissement. Disons-nous d’abord que l’audace et le goût de l’entreprise au sens large existent aussi bien chez les organisateurs que chez les chercheurs. Ensuite et très concrètement, ces derniers, avec leurs organismes, sont des acteurs clefs des éco-systèmes, des processus de décisions, des opinions, qui déterminent un part de l’activité des foires et salons,
  4. La Recherche a de plus en plus besoin de s’ouvrir aux mondes industriels et aux marchés pour ses financements et ses débouchés et à la Société civile pour répondre aux multiples articulations Science-Société, parfois malentendues, parfois fascinantes, et pour tenir sa place dans les désirs des nouvelles générations. L’intégration des usages devient aussi une part déterminante des données de recherche. Et que serait le monde et l’humanité sans Culture scientifique ?

 

Partons des intérêts des partenaires de la Recherche, plutôt que de ceux des organisateurs. Il est possible qu’en répondant aux premiers, nous dessinions les réponses aux deuxièmes.

Le business de la Recherche, c’est de chercher et de pouvoir chercher. Il faut du temps et de l’argent (au moins celui dont le simple manque empêche de travailler). Il faut aussi de la reconnaissance nécessaire aux évolutions des carrières et à l’image compétitive des laboratoires. Comment les Foires et Salons peuvent faire gagner du temps, de l’argent et de la reconnaissance à la Recherche, voire même donner des opportunités de recherche ?

 
  1. Un récent forum de l’AUMA, fédération allemande des foires et salons, s’intitulait « Messen als Innovationsplattform-Science to Business »[1], (nous traduisons) : « Les Foires et Salons comme plateforme d’innovation : de la Science au Business ») -Technische Universität de Berlin, durant le Global Exhibitions Day du 7 juin- : une part était réservée aux enjeux de la Recherche pour elle-même à être présente sur les Foires et Salons, même si le thème de l’innovation a pris le pas. Est-ce un signe ? Nous citons un extrait de la présentation faite sur le site de l’AUMA : « Wie können die Kontakte zwischen Forschungseinrichtungen und Unternehmen auf Messen intensiviert werden und welche Rolle spielen dabei die Messeveranstalter? Diese Frage stand im Mittelpunkt des FachForums Messen als Innovationsplattform – Science to Business, das der AUMA anlässlich des Global Exhibitions Day am 7. Juni 2017 gemeinsam mit dem MesseArbeitskreis Wissenschaft veranstaltet hat. »  Comment peuvent être intensifiés les contacts entre les institutions de recherche et les entreprises et quel rôle peuvent y jouer les organisateurs de Foires et Salons ? Cette question se tenait au cœur du Forum dédié au sujet ‘ Foires et Salons comme plateforme d’innovation : de la Science au Business’ que l’AUMA a organisé avec l’Association MAK (Club des Foires et Salons sur la Science), lors du Global Exhibition Day du 7 juin 2017. (nous traduisons) 

 http://www.auma.de/de/auma/events/fachforen/seiten/science-to-business-2017.aspx. Voir aussi le lien qui décrit le Max Planck Tunnel de l’Institut Max Planck décrit par le Dr Steiner lors de cette journée de l’AUMA : https://www.mpg.de/sciencetunnel

Exposer la Recherche, une innovation majeure dans les Foires et Salons

1. Réseaux et rencontres des publics professionnels et Grand Public

Les chercheurs et leurs organismes peuvent être présents dans les Foires et Salons, dans leurs dispositifs de pilotage et de mobilisation des réseaux (économiques, politiques) des organisateurs (ou des filières commanditaires de la manifestation), dans l’exposition et les rencontres d’affaires, dans les animations, dans la production de conférences et ateliers, dans la construction même du format de la manifestation.

Si un organisateur décide dans sa stratégie et pour ses objectifs de compétitivité et d’attractivité, de placer la Recherche de manière remarquable dans sa manifestation, il pourra donc :

  • Intégrer ou renforcer la présence des représentants des laboratoires et des corps intermédiaires de transferts technologiques et de culture scientifique dans ses comités de pilotage, les comités techniques, les jurys de trophées d’innovation et les moments et événements spécifiques de « résautage » hors de la manifestation ou dedans (exemple : l’inauguration),
  • Valoriser dans sa communication les partenariats avec la Recherche,
  • Placer clairement dans sa nomenclature la place de la Recherche,
  • Placer dans la logique de l’implantation des espaces de recherche en relation avec les enjeux de la Recherche et de la filière concernée (ou société). Ce placement sera lié à des services de facilitation d’exposition : prix, dispositif d’installation et de construction de l’espace (si nécessaire, et si l’organisme de recherche n’a pas les moyens de son exposition),
  • Devenir client de la Recherche en leur achetant une prestation d’exposition ou d’animation, soit en direct auprès des organismes de recherche qui peuvent le faire, soit auprès des corps intermédiaires de diffusion de la culture scientifique,
  • Construire une expérience de recherche sur la manifestation, type laboratoire des usages.

 

Nous n’oublions pas aussi l’enjeu abordé dans un autre article, sur l’esthétique des formes dans notre métier. Il est tout à fait imaginable et souhaitable que le travail sur les formes de relations dans les manifestations bénéficient des travaux et d’échanges avec des chercheurs en Science de l’Education, en Psychologie, Sociologie, Acoustique, Ergonomie, Urbanisme, etc…(il ne faudrait s’interdire aucune Sciences Humaines et Sociales). Un organisateur ne serait-il pas heureux, par exemple, d’installer dans sa manifestation un nouveau dispositif de rencontre, en communiquant qu’il est le fruit d’une collaboration avec un laboratoire d’excellence de son territoire ?

Cette liste des courses ne suffit pas, l’offre ne fait pas encore la demande : il faudra aussi attirer les chercheurs et leurs organismes dans cette grande machine des foires et salons. Rien n’est gagné, il est indispensable que les organisateurs et les chercheurs se rencontrent et fassent connaissance, avant même d’imaginer une collaboration. Continuons le chemin de la discussion.

 2. Trouver la place de la recherche dans le complexe des filières

Comment exposer la Recherche ? Quelles réponses peuvent être apportées par les organisateurs, les chercheurs et leurs organismes, les corps intermédiaires de la diffusion de la recherche. Nous n’avons pas les compétences pour répondre, ni pour rendre compte des nombreux travaux menés par les acteurs concernés parmi les scientifiques et les acteurs de la culture scientifique. Le sujet doit bien entrer au cœur des Foires et Salons.

Identifier les voies de passage

Les organisateurs ont la capacité de participer activement, à travers leur manifestation, à l’organisation des savoirs et de la logique industrielle de telle ou telle filière. Les manifestations sont aussi des lieux où les rôles, les relations et les process même d’un champ d’activité peuvent se déterminer. Les organisateurs peuvent ainsi contribuer à débrouiller le complexe des marchés et des industries, et ainsi permettre l’identification des passages possibles pour l’exposition de la recherche, définir le bon moment et le bon endroit. C’est essentiel. Il faut aider la Recherche à naviguer dans les méandres des industries et des marchés. Ce travail, l’organisateur peut le faire ou faciliter les échanges avec les industriels, les marchés, la recherche, pour que les bonnes articulations se fassent. Il peut le faire, il lui faut aussi en faire une priorité, y consacrer du temps : la tâche n’est pas évidente, l’expertise reste à construire.

L’improbable

Plus largement, la Recherche est multiple, les disciplines et les domaines de savoir sont nombreux. Chaque filière possède déjà sa R&D. Il est important aussi imaginer d’avancer au-delà des champs de recherche privilégiés de chaque filière. Il est possible d’imaginer l’inclusion dans telle ou telle manifestation de filière de travaux scientifiques de domaines apparemment improbables, inusuels dans la filière concernée, improbables pour ses acteurs et improbables pour les chercheurs eux-mêmes. Prenons, un peu au hasard, l’introduction de recherche en psychosociologie sur une manifestation de l’industrie gazière, par exemple. Il ne faut pas s’interdire que le renforcement de la présence de la Recherche dans les manifestations échappe aux évidences de la filière elle-même. Cette approche dépasse de loin les compétences propres des organisateurs de manifestation. Ils ne peuvent pas le penser, ils peuvent en revanche lancer l’initiative, cela sur la base des échanges qu’ils auront peu à peu créés et renforcés avec les chercheurs et les industriels, afin qu’un esprit d’aventure, de déplacement soit possible dans leur manifestation.

Dispositifs transversaux

D’une manière parallèle, apparaît de plus en plus l’intérêt d’organisateurs, portés aussi par une réflexion initiée par des chercheurs, de sortir de manifestations de filière, pour se tourner vers des dispositifs transversaux qui permettent de raisonner non pas à partir du fil d’une technologie, mais de ses usages possibles, y compris en facilitant des « sauts » ; une découverte dans l’aérospatiale, intéressante pour l’agronomie, une piste dans la biologie animale transférable dans la mode ou le secteur automobile, etc….Ces sauts ne sont pas du tout étrangers à la démarche des chercheurs eux-mêmes ni même d’ailleurs à celle des industriels, il ne s’agit donc pas de révolution, plutôt de mettre en exergue des pratiques de « diagonales », de sortie des sentiers battus, souvent à l’origine des nouvelles voies. Ces dispositifs peuvent se traduire dans une manifestation spécifique par des espaces dédiés ou des mécanismes de parcours intelligents, par des mises en scènes orientées sur les usages, ou plus largement par des manifestations, dès le départ, dédiées à cette transversalité : grand show sur l’innovation, évènement des grandes problématiques sociétales (Environnement, Urbanisation, Santé, …).

3. La science OPEN, les modes d’exposition

Développer de nouveaux formats

Les formes d’exposition changent. Les chercheurs eux-mêmes savent qu’ils doivent faire simple. La thèse en 180 secondes est un symbole. Comment les professionnels de l’exposition développent des formats d’exposition de la Recherche ? Plus exactement, cela semble impossible pour eux d’y répondre seul, pris comme ils le sont par les contraintes logistiques. Comment une solide réflexion se construit alors entre organisateurs et chercheurs, acteurs de la recherche, pour inventer ou adapter les formats d’exposition ?

Personnage et théâtre

Les chercheurs eux-mêmes sont très sensibles à ce sujet et prêts au plus grand des pragmatismes, car il faut avancer. L’un d’entre eux peut dire, concrètement : « Tout le monde s’en fout de la recherche, mais pas du meilleur orateur ». Il ne faut pas avoir peur du théâtre et des grands ressorts du spectacle, des affects, des liens que l’émotion crée, outre les concepts et la raison. Comment imaginer des rencontres avec la Recherche sans PERSONNAGE ? C’est ainsi que les liens se feront entre les PERSONNES.

Le très grand apport des foires et salons pour la recherche sera simple : créer des relations ENTRE PERSONNES d’où peut naître, parfois avec des allures de miracle ou d’effet papillon, de très beaux et grands projets, au moins les fils serrés qui peuvent porter des pistes pour demain. Le travail est donc par là.

Grand public

La science sait sortir d’elle-même, elle n’est pas seulement le bouillon originel, le magma des idées en fusion, elle peut et doit – les chercheurs peuvent eux-mêmes le dire – se mélanger à l’aval de la chaîne de valeur industrielle, jusqu’aux consommateurs finaux.  Certains congrès scientifiques envisagent de s’ouvrir au Grand Public sur certaines parties de leur programme.

Cette ouverture n’est pas simplement une capacité à s’adresser à des publics non avertis, elle est aussi une capacité à appréhender ces publics comme porteurs eux-mêmes d’éléments valables pour la recherche elle-même, d’abord les usages – et nous en reparlerons plus loin – mais aussi les propres capacités de recherche et de pratiques des savoirs des publics (professionnels et Grand Public).

Devenir chercheur

L’un des grands enjeux de l’exposition de la Recherche est de sortir d’un schéma de bonne parole provenant d’une « autorité » scientifique vers un public uniquement récepteur. L’échange doit bien être un échange. Il y aurait à penser sans doute un devenir-chercheur des publics et un devenir industriel, marché, société, de la recherche et des chercheurs : là se feront les rencontres.

L’exposition de la Recherche aurait à voir avec l’art des croisements : cela est d’ailleurs valable pour tout dans l’exposition aujourd’hui. Comment faire des publics des contributeurs de la recherche, au bénéfice de la recherche, au bénéfice d’eux-mêmes et de leurs propres organisations, et outre le désir de savoir, et la curiosité qui peut animer tout esprit ?

Culture de la recherche

Combien les sujets sont multiples, hors les innovations elles-mêmes : les contenus de recherche, la prospective, les chercheurs eux-mêmes et leurs analyses, les parcours et les formations, les réseaux internationaux de recherche ; les moyens et technologies de recherche, les ancrages territoriaux, les partenariats industriels existants, les participations aux différents programmes locaux, régionaux nationaux ou continentaux des pouvoirs publics,…la création d’une culture de recherche, ses pratiques, ses normes et valeurs.

Echange = recherche

Un visiteur professionnel profitera d’un espace de recherche si cela le conduit à penser différemment et à avancer sur ses propres pratiques et intérêts professionnels. C’est d’ailleurs ainsi que pourra se créer des partenariats avec la recherche : quand l’industriel, l’entrepreneur, ont l’intuition ou découvrent une piste via leur rencontre avec la recherche qui leur fait « penser à … », et vice-versa pour les chercheurs. L’échange devient alors un acte de recherche en tant que tel.

4. La recherche sur place

La grande voie de la recherche sur les manifestations est celle des Laboratoires des usages. Sur la manifestation, un dispositif est mis en place qui permet d’expérimenter, de recueillir des données sur les usages, de déplacer telle ou telle technologie ou savoir dans un autre champ d’application. Les « LABs » si courant aujourd’hui dans n’importe quelle organisation, milieu de starts ups, cluster, entreprises, etc…. cette grande culture – avec ses effets de communication et sans doute aussi d’illusions – du « lab » est commune et diffuse. Comment ne pas la ressaisir solidement sur les manifestations, sur la base de partenariats et de réflexions avec le monde de la Recherche, lui-même sensible à ces enjeux des usages ?

Cette carte est vraiment là pour être jouée, elle se pose sur une table de catégories maintenant commune à la science et aux marchés : le laboratoire, la valorisation de l’expérimentation. Plus essentiel aussi, puisque notre temps crie haut et fort les victoires de l’ «expérientiel », sûrement avant tout du côté des affects et des sens, mais plus profondément aussi comme traduction d’auto-apprentissage et de savoir par soi-même, le terrain est propice à travailler avec les chercheurs sur les méthodes de l’expérimentation et des expériences possibles sur les foires et salons.

Recueil de données, découverte des usages, analyse de certaines réception difficiles entre la science et la société (prenons par exemple : les nanotechnologie, la peur des vaccins,…), création de nouvelles méthodes d’expérimentation, implication de publics tiers dans le processus de recherche, … des dispositifs sont bien possibles et utiles pour la Recherche et ces articulations avec les Marchés et la Société.

5. La propriété intellectuelle, soft power et réalité de la compétition mondiale.

Protection des idées

L’enjeu est aussi immense : comment faire pour que les manifestations soient bien des lieux qui préservent la propriété intellectuelle des chercheurs et qui invitent aussi à une parole plus ouverte des industriels sur leurs enjeux et leurs stratégies ? La peur est grande, dans notre vaste monde de l’immatériel, que les idées se volent.

Les grands salons internationaux savent très bien ce qu’il en est de l’espionnage industriel sur leurs manifestations, les services de renseignements des Etats aussi qui savent informer les industriels, les chercheurs, les organisateurs sur les risques (et les opportunités donc) de divulgation ou de fuite des savoirs sur les manifestations.

Climat de confiance

Comment faire pour que les Salons ne soient pas les lieux d’une information superficielle et donc sans intérêt ? Pour que le salon soit bien un événement, il faut qu’il s’y passe quelque chose : la valeur et la profondeur des échanges y sont donc bien fondamentales.

Dispositifs politiques

Il devient nécessaire d’envisager la présence de la Recherche sur les salons, non pas dans le seul contexte des avancées scientifiques, mais dans celui plus complexe des croisements de la Recherche et du Politique, des rapports des économies et des nations. Tout projet de développement de la Recherche sur les Foires et Salons implique une alchimie à inventer, à penser, sur laquelle il est possible d’innover, entre les enjeux du savoir et ceux de la politique.

Rien là n’est nouveau ni triste : c’est au contraire un des grands arguments en faveur du développement de la Recherche dans les Foires et Salons, un positionnement à construire dans les grands champs d’activité de l’économie et de la société. Il s’agit au fond de stratégie.

Il existe un jeu d’équilibre entre l’institution de dispositif sérieux de préservation de la propriété intellectuelle et d’instauration d’une confiance solide dans les échanges et les calculs et stratégies de Soft Power des laboratoires, des industries, des nations.

Salons dans la Société de la connaissance

Or il est bien vrai, et très remarquablement pour les grands salons internationaux professionnels, que les vastes flux et théâtres des économies s’y déploient. Ils sont des grandes scènes du monde, en croissance et essentielles. Les barrières doivent être rompues qui retiennent la Recherche de s’y impliquer ou de l’inviter à s’y impliquer : dans notre société de la connaissance où l’avenir des nations et des continents, des grandes politiques publiques se jouent sur les investissements qui se feront dans la Recherche, cette dernière doit être présente fortement au cœur des rendez-vous de l’économie mondiale que sont les salons (même si nous ne savons résoudre ce mystère qui les rend invisibles dans les grands panoramas des analyses du capitalisme contemporain).

Conclusion : se donner un objectif de 3% des surfaces nettes dédiées à la Recherche

L’objectif de l’Union Européenne est d’investir 3% de son PIB dans la Recherche et le Développement. Atteindre 3% des surfaces nettes des grands Salons internationaux professionnels dédiées aux chercheurs et organismes de recherche est loin d’être inconcevable. Il faudrait sans doute envisager d’aller au-delà, si l’on garde à l’esprit que les Salons sont aussi des phares et des mécanismes structurants des champs d’activité. Se dire ainsi concrètement un objectif de surface peut donner le vertige, mais permet d’éprouver la difficulté de la tâche.

Que se passerait-il demain si les grand salons internationaux professionnels organisés en Europe ou pas des Européens étaient reconnus aussi pour leur très haute intégration de la Recherche ? Et si un organisateur, pour affirmer sa compétitivité, décidait de se positionner sur une telle valorisation ?

Construire un tel levier demande du temps, une place dédiée dans les organisations et les cultures d’entreprises de la filière FSC, une nouvelle image des salons au sein des organismes de recherche, beaucoup d’échanges, de partenariats, des rencontres spécifiques sur des projets précis, puis des lentes intégrations, mises en série, sans doute aussi l’effet de politiques publiques de Recherche qui définiraient les dispositifs Salons clairement en relation avec le développement de celle-ci, pour elle-même, ses transferts, l’entrée soutenue dans la Société de la Connaissance.

Nous ne sommes pas loin d’un geste possible. Il est présent dès qu’il s’agit d’investir dans des structures pérennes d’accélération de transfert technologique, des agences d’innovation, des clusters ou pôles de compétitivité. Les salons peuvent offrir en quelque sorte des schémas similaires sur des modes éphémères et répétitifs. Ils proposent des territoires intenses de proximité avec les marchés et les entreprises. Plus encore, il s’agit de donner à la Recherche une interface d’immédiateté avec les mondes marchands et sociaux. Elle entre en contact direct avec les tiers, elle agit sans intermédiaire avec les parties prenantes économiques et sociales. Les Foires et Salons sont bien contributeurs des régulations sociales, de l’installation des normes de notre société de la Connaissance, des cycles du temps social mondial. Cette contribution est certes peu évaluée et prise en considération, elle est pourtant réelle. Ne pas insérer de manière décisive la Recherche dans leurs contenus exposés serait à terme rater un levier majeur de leur pertinence dans la Société de la Connaissance à venir et, pour la Recherche elle-même, manquer des leviers puissants et stratégiques de son développement dans l’ensemble des processus économiques et sociaux et des mécanismes de compétition mondiale.

Exposer la Recherche peut donc devenir un facteur majeur d’innovation pour la Recherche elle-même, les Industries et filières, les pays et territoires et enfin les Foires et Salons. L’exposition est déjà un certain mode de recherche dans les champs d’activité. L’exposition DE la Recherche est une intensification de la nature même du rôle de l’exposition dans les mondes qui l’utilisent qui conduira aussi à une évolution des modes d’expositions eux-mêmes. Les opportunités offertes par ce pli de l’exposition et de la recherche, l’une sur l’autre mérite, toute notre attention.

 

 (extrait du Livre Blanc, Partie 5, NUNDINOGRAPHIE, RDI, III. B)

Tag(s) : #Innovation
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